Tout transfert peut faire des mécontents. Lorsque l’officine issue du transfert s’installe dans un nouveau local plus spacieux, permettant par exemple un meilleur accueil des personnes à mobilité réduite, les pharmaciens concurrents dont la nouvelle officine est susceptible de se rapprocher peuvent ainsi craindre de perdre une partie de leur clientèle.

Les pharmaciens concurrents sont souvent informés très en amont du projet de transfert, même avant la délivrance de l’autorisation de transfert. Il convient de distinguer l’action des concurrents avant et après la délivrance de l’autorisation de transfert.

Avant la délivrance de l’autorisation de transfert

Les pharmaciens concurrents sont dans une situation dans laquelle ils sont informés d’un projet de transfert. Le pharmacien qui projette de transférer peut alors être confronté aux actions suivantes de la part de ses concurrents :

  • Action disciplinaire devant le Conseil régional de l’Ordre en cas de faute disciplinaire commise pendant la préparation du transfert (par exemple, contact frauduleux avec des médecins dans un objectif de compérage à l’issue du transfert),
  • Démarches auprès des élus, des syndicats professionnels, de l’Ordre, ou même des autorités administratives (ARS, Ministère de la Santé) pour présenter des arguments sur le projet de transfert.

Ces actions pré-contentieuses ont pour objectif de décourager le projet de transfert ou d’obtenir des avis négatifs de la part des autorités consultées. La question de leur légitimité peut être parfois posée, notamment lorsqu’elles constituent des détournements des procédures ordinales.

Après la délivrance de l’autorisation de transfert

L’autorisation de transfert est un acte administratif qui est susceptible de recours devant le Tribunal administratif. L’objectif d’un tel recours (recours en annulation) est d’obtenir, de la part de la juridiction, l’annulation de l’autorisation de transfert.

L’annulation de l’autorisation de transfert par le Tribunal emporte des effets rétroactifs, qui supposent que la situation du pharmacien d’officine dont le transfert est annulé est remise dans l’état dans lequel il se trouvait précédemment à la délivrance de l’autorisation. Ainsi, une autorisation de transfert annulée est censée n’être jamais intervenue.

La difficulté réside dans les délais de jugement par le Tribunal administratif, qui excèdent la plupart du temps 12 mois.

Il existe certes une procédure de référé-suspension, par laquelle le pharmacien concurrent peut demander au Juge des référés du Tribunal administratif de prononcer en urgence la suspension pour l’avenir de la décision autorisant le transfert. Une telle décision peut être obtenue dans un délai qui parfois n’excède pas 15 jours (1 mois ½ en moyenne).

En pareil cas, le pharmacien bénéficiaire de l’autorisation de transfert est fixé sur son sort (certes provisoire) avant d’avoir effectivement déménagé son officine.

Toutefois, la suspension en référé n’est quasiment jamais prononcée en matière de transfert d’officine, dans la mesure où elle est subordonnée à une condition d’urgence, laquelle, pour résumer, suppose que le pharmacien concurrent auteur de la demande apporte la preuve soit que le transfert présente un danger en matière de santé publique (approvisionnement en médicaments), soit que le transfert impacte la santé financière de son officine concurrente d’une telle manière qu’elle risque la cessation des paiements à court terme.

En conséquence, comme les demandes en référé sont quasiment toujours rejetées, le risque contentieux n’est révélé que lorsque le Tribunal statue sur le fond, soit en général postérieurement à l’ouverture de l’officine dans les locaux d’accueil.

Ce système imparfait, dû aux particularités du contentieux administratif, rend indispensable d’évaluer en amont le risque contentieux, pour éviter une annulation tardive et aux conséquences parfois désastreuses.